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Chapitre 7

The last one

Anabel avait très rapidement réagi, et avait lancé un verre d’eau sur la flamme créée magiquement, abimant au passage plusieurs de ses mystérieuses feuilles. Aelis, totalement figée, fixait stupidement l’endroit où sa magie s’était manifestée, abasourdie. Depuis les révélations quant à sa véritable nature, elle n’avait pas vraiment eu la preuve de ce qu’elle valait. Elle avait certes repoussé Mewann quand il l’avait attaquée, à Hidden Springs, mais à ce moment-là, elle n’avait pas accepté l’idée qu’elle était une sorcière.

Ainsi c’était la vérité. Elle pouvait réellement créer du feu par la simple volonté, ou par colère. Elle avait vraiment quelque chose en elle, qui manipulait les éléments. Comment cela était scientifiquement possible, elle n’en savait rien, et elle ne saurait sans doute jamais.

 

- Eh bien… il se peut que je me sois trompée, finalement… dit Anabel en un souffle, son regard lui aussi fixé sur les feuilles trempées.

Aucune sorcière n’était capable de créer un des quatre éléments ainsi, à partir de rien. Elles pouvaient, pour certaines d’entre elles déjà assez puissantes, les manipuler, mais il fallait qu’ils soient déjà présents. On ne pouvait les créer. Jamais de sa vie elle n’avait vu pareille chose.  Plus de doute possible, cette fille était une Vanek. Elle ne savait pas encore ce que les Vanek avaient de plus que les autres sorcières, mais elles avaient de toute évidence quelque chose.

Aelis releva la tête et rencontra les yeux bleu-gris d’Anabel.

- Maintenant, tu m’emmènes voir mon frère.

L’autre rit, gênée, échappa au regard insistant de la Vanek, ne sachant comment lui annoncer ce qu’elle devait lui annoncer.

- Le truc, c’est que… Je ne sais pas où ton frère habite… Je n’y suis sans doute jamais allée, je n’ai jamais quitté ma maison et ses environs, quand j’étais encore dans le monde mortel, donc je ne pourrais aller que là-bas…

Elle s’arrêta net quand elle aperçut le regard noir d’Aelis. Anabel devait l’avouer, elle s’était servie d’elle, jamais elle n’aurait dû lui accorder la moindre confiance, c’était ainsi que la rousse fonctionnait, elle faisait tout pour arriver à ses fins. Elle se sentait un peu mal pour cette fille de mortels, tout de même, elle savait ce que c’était que de laisser sa famille derrière soi, mais elle n’y pouvait rien, ce n’était pas elle la fautive dans l’histoire, c’était ce loup qui l’avait emmenée ici.

- Mais ton ami loup devrait pouvoir, non ? Il sait où tu habites, tu n’as qu’à lui demander, et…

Aelis ne répondait pas. Pourquoi diable fallait-il que cette fille soit aussi froide et si… muette ?

- Je t’ai demandé à toi, et tu m’as menti, lâcha-t-elle finalement.

C’était pour cette raison qu’elle avait toujours évité les gens. Ils étaient fourbes, sans exception, se servaient d’elle, pourquoi tout le monde se servait-il d’elle ainsi ? Parce qu’elle était une Vanek, avec d’immenses pouvoirs, apparemment ? Ça ne lui semblait pas si extraordinaire que ça, pourtant. Les autres savaient sans doute manipuler toute sorte de choses, créer des boules de feu, guérir des gens, en tuer, comme les sorcières qu’on pouvait voir dans la pop culture. Elle ne savait rien faire de tout cela. Juste créer une minuscule et ridicule flamme.

- Ecoute, je suis désolée, mais c’était le seul moyen. Je te propose un autre deal, pour m’excuser, je t’apprends à contrôler tes pouvoirs ! Crois-moi, tu vas en avoir besoin, tu es bien trop vieille pour apprendre seule maintenant.

 

Rien que l’idée de passer plus de temps avec Anabel et son ignoble voix pour apprendre à se servir de pouvoirs dont elle ne voulait pas la dégoûtait. Cela ne faisait même pas deux jours qu’elle se trouvait dans ce monde, et elle en avait déjà plus qu’assez.

- Non. Ma condition était le monde mortel, pas autre chose.

- Tu ne trouveras personne d’autre ici qui voudra t’apprendre ça.

 

Aelis se demanda soudainement ce qui l’empêchait de vraiment mettre le feu à la maison de cette fille. Plus le temps passait, plus elle la détestait, et plus elle parlait, plus elle avait envie de lui faire déchirer la gorge par Mewann et ses crocs.

- Ok, j’ai vraiment pas été sympa avec toi sur ce coup-là, mais de toute façon, je t’aurais pas laissée approcher ton frère, et personne ne te laissera, même pas ton loup.

Aelis en avait assez entendu. Elle en avait assez des arguments d’Anabel, et sans prononcer le moindre mot, elle s’en alla, ne prêtant pas attention aux réactions de celle qu’elle détestait.

 

Trois mois passèrent, trois pénibles mois où Aelis évitait absolument tout. Elle évitait Mewann, qui ne lui avait apporté que de mauvaises nouvelles, et qui l’avait amenée ici, en refusant de la ramener chez elle parce qu’il était égoïste et voulait rejoindre son monde grâce à elle. Elle évitait Anabel, qui n’était qu’une menteuse manipulatrice, elle évitait sa voix, qui lui filait des maux de crâne, elle évitait la ville, dans laquelle elle n’était de toute évidence pas la bienvenue, à juger des regards méprisants qui se jetaient sur elle dès qu’elle faisait un pas en dehors de la maison. Elle passa trois mois dans sa chambre, comme elle avait l’habitude de le faire quand elle vivait encore dans le monde mortel.

 

Chaque jour, elle pensait au temps qui passait différemment dans son monde natal. Combien de jours s’écoulaient là-bas quand elle en passait un ici ? Combien de mois, d’années avaient déjà passé, quel âge avait Ludovic maintenant ? Que s’était-il passé pendant tout ce temps ? Peut-être avait-il eu des enfants, avec Erato, était-il encore avec, d’ailleurs ? Et Lewyn ? Avait-il enfin trouvé une copine ? Et ses parents, comment allaient-ils ? Comment avaient-ils vécu le fait de perdre leur fille ? Toutes ces questions, et aucune réponse la rendaient folle, et terriblement angoissée. Elle n’avait aucun moyen de savoir. Et Mewann refusait toujours catégoriquement de l’emmener le temps de quelques minutes pour voir ce qu’il se passait durant son absence.

C’est qu’il avait peur. Peur, d’une part, qu’elle essaye de s’« échapper » à peine arrivée dans le monde mortel. Qu’elle se dérobe, dans un moment d’inattention. Elle n’avait que peu de chance, contre lui, il lui suffisait de se transformer pour la rattraper vite fait, mais on ne savait jamais. Peut-être qu’elle avait préparé son coup, seule dans sa chambre.

Mais il avait aussi peur de l’état dans lequel cette visite dans le monde mortel pouvait la mettre. Il ne la pensait clairement pas prête pour affronter la réalité. S’il ne s’était passé que trois mois dans ce monde, plusieurs années s’étaient déjà écoulées dans le monde mortel. Ludovic n’était plus seulement son frère jumeau, mais aussi son grand frère. Il arrivait sans doute dans le milieu de la trentaine maintenant, alors qu’Aelis était toujours une jeune femme de vingt-huit ans.

- Aelis, est-ce que tu pourrais sortir de là, s’il-te-plaît ? demanda-t-il à la porte fermée à clé, comme tous les jours depuis leur arrivée.

Et comme tous les jours depuis leur arrivée, la porte ne répondit rien. En trois mois, il n’avait que très peu vu Aelis, elle se débrouillait toujours pour sortir de sa chambre pour piquer quelque chose dans le garde-manger quand il était de sortie, ou qu’il dormait. Quelques rares fois, il l’avait surprise en dehors de sa chambre, mais elle n’avait rien dit, et était très vite retournée de là où elle venait.

- Aelis, il y quelqu’un qui aimerait te voir. Il t’attend dans la cuisine.

- Cette vieille technique marchera pas sur moi, Mewann, le prévint-elle.

Il sourit. Il avait réussi à la faire parler.

- Ce n’est pas une technique ou quoi que ce soit. C’est la vérité.

- Je ne te crois pas. Je ne crois plus personne, maintenant.

- Ae, fais pas l’enfant.

- Casse-toi.

Une moue déforma son visage. Ce qu’elle pouvait être bornée ! Mais au moins, il y avait eu de l’amélioration. Elle lui avait parlé, ce qu’elle n’avait pas fait depuis une éternité. Elle était bien la seule personne qu’il connaissait capable de passer des semaines sans parler à personne et sans en devenir totalement folle.

- Je suis désolé, dit-il en regagnant la pièce principale. Impossible de lui faire changer d’avis.

- Ne vous en faites pas. Je reviendrai. Ikô.

Le maa se leva de la table et remercia Mewann pour le thé qu’il lui avait offert, avant de s’en aller. Le loup ne savait pas vraiment ce que cet homme voulait d’Aelis, mais étant donné qu’elle était une puissante sorcière, il avait sans doute ses raisons. Peut-être avait-il voulu mesurer l’étendue de ses pouvoirs, comme Anabel avait voulu le faire.

Il devait trouver un moyen de sortir Aelis de sa chambre. La situation devenait critique. A tel point qu’il était presque prêt à céder à sa demande.

 

Le maa traversa l’immense couloir qui le séparait de son bureau, le cœur battant. Il n’avait pas réussi à la voir. Il aurait pu insister, mais cela aurait paru beaucoup trop suspect. Alors il s’en était allé. Cette fille devait savoir qu’elle allait bientôt être démasquée, c’était sans doute la raison pour laquelle elle refusait de sortir de cette chambre. Mais qu’importe ce qu’il pensait, il n’avait pas réussi à la voir, et ça, on allait le lui reprocher.

- Je viens voir Callirhoé, s’annonça-t-il à l’hybride qui gardait le bureau de la sorcière.

L’hybride darda ses yeux jaunes de semi-pùca qu’il était et hocha lentement la tête, avant d’ouvrir la porte. Le maa le remercia d’un mouvement de tête et entra.

Callirhoé était à son bureau, les mains devant les yeux, la tête reposée contre ses paumes, comme elle le faisait souvent quand elle était contrariée, ou qu’elle réfléchissait.

- Alors ? demanda-t-elle simplement sans prendre la peine de relever la tête.

- Je n’ai pas pu la voir… annonça le maa d’une voix tremblante.

 

Cette fois-ci, la sorcière releva la tête et planta son regard vert dans celui terrifié du maa. Elle avait toujours été terrifiante, avec ce regard qui avait vu l’horreur du massacre et cette puissance qui émanait d’elle. Il valait mieux plaire à Callirhoé. Elle avait les pouvoirs nécessaires pour vous tuer, disait-on.

- Elle se cache, ajouta-t-il.

- Trois mois qu’elle est là, et c’est trois mois de trop. Je refuse qu’une sorcière de pacotille qui se fait passer pour une Vanek reste ici. Va chercher Rabbit. Je sais qu’il fera le travail mieux que toi.

Le maa hocha la tête et sortit rapidement du bureau, bien content d’en sortir en vie.

Callirhoé se replaça dans sa position de contrariété. Elle détestait ces gamines qui salissaient le nom Vanek. Les Vanek n’existaient plus, et ce depuis longtemps. Elle les avait vu mourir, toutes, il n’en restait plus aucune.

Elle était la dernière.

Et on dit bonjour au nouveau personnage énigmatique !

J'attends vos hypothèses quant à son identité, héhé.

Sinon j'ai rien d'autre à dire. Anabel c'est une connasse, mais keur sur elle quand même.

Tschüss !

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