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Chapitre 2

Revelation

La pluie s’était soudainement arrêtée, faisant sursauter Aelis, qui regarda alors autour d’elle. La forêt et le lac d’Hidden Springs avaient disparu, laissant place à une nature urbanisée, d’un style particulier qu’elle affectionnait. Des maisons dépassaient d’étranges rouages de toutes formes et toutes tailles, des tuyaux qui devaient sans aucun doute servir à rien sinon pour décorer, les bâtiments imposaient leur lourde taille au ciel, cachant ses nuages sombres qui éclipsaient le soleil, leurs fenêtres aussi nombreuses que variées laissaient entrevoir la vie qui fourmillait à l’intérieur. L’atmosphère était pesante, l’air écrasant, le paysage seulement coloré de rouille et de bronze mais le regard de la jeune femme était illuminé d’une étincelle qui avait disparu de ses yeux depuis bien longtemps. Elle n’avait vu un tel paysage que sur des dessins qu’elle trouvait sur internet, rêvant de se retrouver dans une telle ville qui ne pouvait exister et pourtant… Elle l’avait devant les yeux, cette ville dont elle avait rêvé depuis toujours.

 

- Mewann, souffla-t-elle sans quitter les bâtiments des yeux, époustouflée. Où on est ?

- Maashì, monde intermédiaire que les maas et les shìs ont peuplé après le massacre.

Aelis fronça les sourcils, perdue. Elle n’avait compris aucun mot dans la phrase de Mewann. Elle ne savait pas ce qu’était un monde intermédiaire, ce qu’était les maas et les shìs, ce que signifiait le massacre. Et elle ne savait pas si elle avait envie de savoir. Il était encore temps pour elle de rentrer chez elle, ignorante, mais qu’importait. Si elle commençait à en apprendre plus, tout changerait, elle en était persuadée.

- Je vais t’expliquer, sourit-il en remarquant la mine déconfite de la sorcière. Mais d’abord suis-moi.

- J’en ai assez de te suivre, Mewann, se plaignit-elle avec ironie. Faudrait que tu m’expliques, à un moment donné…

- Je t’expliquerai quand tu arrêteras de râler et que tu m’auras suivi. Viens.

Vaincue, elle marcha derrière le loup qui s’éloigna de la ville qu’Aelis aimait déjà, mais qu’elle voulait pourtant quitter. Elle ne pouvait rester ici, sa vie était à Hidden Springs, auprès de sa famille, pas à… Maashì ? Un monde intermédiaire ?

Son meilleur ennemi lui indiqua une bicoque qui ne détonait pas du tout du reste de la ville. La maison semblait prête à s’effondrer tant sa configuration était douteuse, l’étage dépassait de tous les côtés, chaque fenêtre avait une teinte et une forme différente, certains murs étaient en fer, d’autres en briques, d’autres en plâtres, d’autres en bois, ceux en fer étaient même complètement rouillés pour certains. Sur un côté de la maison, un immense engrenage partait du sol pour arriver au toit et Aelis douta de son utilité, peut-être en avait-il aucun. Tout comme les roues au rez-de-chaussée, qui faisaient passer la maison pour une roulotte et l’énorme tuyau qui reliait les étages. Tout semblait superflu.

Mewann monta les quelques marches qui menaient au perron, ouvrit la porte et invita Aelis à entrer.

- Après toi, dit-il en indiquant l’intérieur.

Ledit intérieur était tout aussi désordonné que l’extérieur. Des centaines d’objets dans diverses teintes de marron s’amoncelaient partout, sur les tables, le sol, les étagères, des dizaines de tableaux se chevauchaient sur les murs dépareillés, les engrenages et rouages étaient partout, alimentaient sûrement quelconque machine, ils étaient trop nombreux pour n’être que décoration, non ?

- Où on est ? demanda-t-elle pour la seconde fois.

- Chez nous.

Ses sourcils se froncèrent et ses lèvres se retroussèrent de dégoût. Qu’elle et lui forment un nous était écœurant. Elle détestait ça.

- Comment ça, "chez nous" ? grogna-t-elle.

- T’énerve pas, c’est là qu’on va rester jusqu’à ce que le temps soit venu. Et y’a deux chambres, ajouta-t-il avec un sourire moqueur.

- Ok, maintenant tu m’expliques.

Elle était si énervée d’être aussi ignorante qu’elle ne se demanda même pas où Mewann avait trouvé cette maison ou si elle était habitée. Car de toute évidence, quelqu’un avait vécu là, les objets ne sortaient pas de nulle part, mais elle voulait savoir ce qu’elle faisait ici, et vite.

 

Aelis regardait avec insistance le jeune homme – loup – lui hurlant silencieusement de s’expliquer, de lui expliquer tout, absolument tout, à commencer comment ils avaient atterri dans une autre ville totalement surréaliste sans bouger.

Mewann fut très vite prit d’un rire nerveux, il passa une main dans ses cheveux rouges encore trempés, fuyant le regard de la jeune femme qui n’en démordait pas.

- Merde, j’aurais dû préparer ce que j’allais dire, se lamenta-t-il avec ce rire gênant en fond.

- Ouais, t’aurais dû. Si tu commençais par le commencement ?

- Putain, merci, merci Ae pour cette phrase toute faite et parfaitement inutile, ça m’aide énormément, cracha-t-il ironiquement, un soupçon de grognement sourd dans la voix, indice de sa véritable nature.

Elle se recala dans sa chaise, mal-à-l’aise. Il paraissait dangereux, sauvage, lupin, et elle n’aimait pas ça du tout.

- Ok, pardon, je perds un peu le contrôle parfois… s’excusa-t-il en voyant la réaction d’Aelis.

- Rassurant…

- Tu vas poser les questions, ok ? Sur ce que tu veux savoir. Et je tâcherai de répondre, ça te va ?

Elle hocha la tête. Le problème était qu’elle avait une centaine de questions qui lui traversaient l’esprit en ce moment-même à une vitesse fulgurante, chaque question en amenant une nouvelle et ainsi de suite, elle se sentait comme un nouveau-né à qui il fallait tout apprendre et c’était sans doute ce qu’elle était. Un nouveau-né dans un nouveau monde qui s’étendait devant elle.

Elle mit plusieurs longues secondes avant de choisir sa première question et elle ne savait toujours pas si c’était celle-là qu’elle voulait poser. Mais il fallait choisir maintenant.

- Comment on est arrivés là ?

- Voyage entre les mondes, répondit-il sobrement.

- Donc c’est un autre monde ici ?

- Oui.

Elle avait mal choisi sa première question. Mais c’était de la faute de Mewann également, qui répondait trop simplement. Il devait développer plus. Elle souffla de désespoir, cette séance de questions-réponses allait être interminable, il y avait tant de choses qu’elle ignorait.

- On est dans quel monde ici, et développe, s’il-te-plaît, si tu me réponds Maashì, le monde des maas et des shìs, loup ou pas, je te tue.

- Essaye seulement, se moqua-t-il en dévoilant ses canines. Ce monde n’est qu’un monde intermédiaire, reprit-il ensuite sérieusement, ce n’est pas un véritable monde, ils ne sont pas peuplés en général, ou pas à long-terme, contrairement à ton monde ou le mien.

- Le tien ? remarqua-t-elle

- Les loups viennent du monde lupin, un monde qui ressemble au monde mortel – le tien – mais où seuls les loups règnent.

Elle mit cette information dans un coin de sa tête, se promettant d’en apprendre plus plus tard. Elle n’était pas là pour découvrir le monde lupin, mais savoir ce qu’elle faisait là, avec Mewann, qu’elle trouvait gonflé de lui demander son aide après tout ce qu’il avait fait.

- Et pourquoi ce monde ? Parce qu’il est steampunk ?

- Pas du tout, c’est parce qu’il est le monde choisi par les sorcières, les shìs comme ils les appellent dans leur langue de créatures et les maas, l’équivalent des sorciers, en quelque sorte.

Chacune des phrases du loups apportaient son lot de mots inconnus et donc de questions, et Aelis en était déjà lasse. Elle ne voulait plus vraiment tout savoir, elle en venait à aimer son ignorance et souhaitait continuer à y vivre. Elle voulait rentrer chez elle, maintenant, oublier ce qu’était vraiment Mewann, oublier ce qu’elle était vraiment, enfouir ses pouvoirs à nouveau, comme elle l’avait fait quand elle était encore enfant, et vivre normalement comme avant, sans y penser. Elle était prête à tout oublier, oui, si prête.

- Ok, maintenant que le sujet est abordé, laisse-moi continuer. Tu es une sorcière, une Vanek.

 

- Je t’ai déjà dit d’arrêter avec ça, qu’est-ce que ça veut dire ?

- Que tu es sans aucun doute la plus puissante de ton espèce. Les Vanek étaient connus pour avoir été la plus grande famille de sorcières et de maas, dotés d’une puissance exceptionnelle, surpassant de loin celle de tous les autres, et c’est cette même puissance qui les a menés à leur perte, lors du massacre, car ils étaient la première cible.

- J’ai pas envie de demander ce qu’est le massacre, parce qu’on va encore s’éloigner du vrai sujet, mais j’ai envie de savoir ce que c’est. Alors soit concis, prévint-elle.

- Les mortels, il y a plusieurs centaines d’années, ont décidé de massacrer chaque créature, en gros. Créatures signifiant… bah, euh… les créatures.

Elle leva les yeux au ciel et souffla d’exaspération mêlée de frustration. Elle en avait assez, assez d’être là, avec lui et ses explications, tellement assez, elle pourrait le frapper en plein visage et tant pis si ses canines étaient menaçantes.

- Ok, ok, les créatures sont toutes les autres espèces, genre les sorcières, les maas, les naïades, les fées, toutes ces choses-là, tu vois ?

Il attendit qu’elle hoche la tête, les lèvres pincées, pour continuer.

- Bref, tout ça pour dire que tu es une Vanek, la première depuis des générations, tu as su faire renaître le gène et c’est ce qui fait ta puissance. Maintenant, j’en ai besoin pour que tu rétablisses l’équilibre.

- Qu’est-ce que c’est ?

- L’équilibre des mondes, ce qui permet que tout soit à sa place. Il a été détruit il y a plusieurs décennies, et c’est à cause de ça que je suis là.

Aelis pencha la tête et scruta le visage indéchiffrable du loup, se demandant ce qu’il voulait dire par là. Il attrapa son regard de ses yeux et sourit tristement.

- Bah, m’écoute pas, tu me détestes, je doute que l’histoire de ma vie t’intéresse vraiment.

Elle contint alors sa curiosité. Elle avait beau le détester, elle ne pouvait s’empêcher de vouloir en savoir plus sur lui et comment il était arrivé là, alors qu’il avait son propre monde.

- Et comment je rétablie l’équilibre ?

Elle en parlait avec tant de simplicité qu’elle s’étonna elle-même de croire à tout ça. Mais depuis qu’elle avait vu Mewann se transformer en loup, qu’elle avait finalement accepté le fait qu’elle avait des pouvoirs et qu’ils s’étaient « téléportés », elle était prête à tout croire. Car elle sentait au fond d’elle-même que tout ceci était la pure vérité et que ce ne serait que folie et stupidité que d’en douter.

- Tu devras rassembler le pouvoir des muses et réparer l’Élément qui a été détruit. Deux secondes, laisse-moi t’expliquer les mots compliqués, ajouta-t-il avant qu’elle ne puisse faire une remarque. Dans chaque monde est dissimulé un Élément et ce sont tous ces Éléments qui maintiennent l’équilibre. Maintenant, si un Élément est détruit, le déséquilibre survient et seul le pouvoir des neuf muses, canalisé par une sorcière, peut réparer un Élément détruit. Les muses ont un pouvoir en elles qu’elles ne peuvent utiliser, un pouvoir immense, capable de changer les mondes.

- Les muses… souffla la sorcière.

Sans en connaître la raison, ses pensées se tournèrent vers sa belle-sœur Erato. Son nom, son essence, sa puissance, elle l’avait senti, comme elle avait senti la puissance de cette femme, Danaé. Mais Erato était une fille normale, pas vrai ?, ce n’était qu’un pur hasard, ce serait une trop grosse coïncidence.

- Ta belle-sœur en est une, oui… confirma Mewann. Je l’ai sentie. C’est pour ça que ce jour-là, je suis venu vous trouver. Pour m’assurer que c’était vrai, qu’elle était là, et que ce n’était pas mon imagination.

Et elle avait été là, les neuf muses allaient naître, se succéder, l’équilibre allait pouvoir être rétabli, et lui, lui… il pourrait retourner dans son monde, il pourrait enfin redevenir un loup.

- Erato n’est pas une muse, elle n’a pas de pouvoirs, c’est ridicule.

- Elle l’est, et elle en est parfaitement consciente, son nom en est la preuve, mais elle ne sait pas qu’elle possède un quelconque pouvoir, les muses ne savent pas l’utiliser, elles n’en sont pas conscientes.

Ridicule… Et pourtant. Ce pouvoir, elle l’avait senti, elle n’avait pas su ce que c’était à l’époque, elle avait toujours senti ça sur certaines personnes, elles dégageaient une aura, une essence qui la frappait plus ou moins fort, et celle d’Erato, si fortement… Ludovic le savait-il ? S’en doutait-il ? Elle n’en revenait pas. Elle avait été prête à tout croire, mais cette vérité lui restait en travers de la gorge.

- Ok, admettons que ce soit vrai, où sont les huit autres muses ?

Erato n’en était qu’une, où étaient les autres ? Étaient-ce des sœurs, des membres de sa famille, d’autres filles choisies au hasard et disséminées dans le monde entier ?

- Avec un peu de chance, déjà nées, mais j’en doute, le déséquilibre n’a que 70 ans, il doit n’y en avoir que deux ou trois maintenant… Peut-être plus, ça dépend, ta belle-sœur est enceinte ?

- Pardon ? Est-ce que tu pourrais arrêter de faire comme si je savais tout, où sont les autres muses ?

- Une par génération. Celui qui a détruit l’équilibre a visé juste en s’en prenant à l’Éclair de Zeus, il l’a banni et du monde des mortels, seule une muse pas génération peut naître. Ce qui veut dire que la mère d’Erato en était une et sa mère avant elle, et que ta nièce en sera une, et ainsi de suite.

- Et comment je dois rassembler le pouvoir de muses qui ne sont pas encore nées ? railla-t-elle en croisant ses bras contre sa poitrine.

En vérité, elle ne comprenait plus la moitié de ce qu’il lui disait, et elle n’essayait même plus. Tant d’informations lui étaient lancées en pleine face qu’il lui était de toute façon impossible de toutes les assimiler.

 

- C’est pour ça qu’on est là, stupide sorcière. On va devoir attendre qu’elles naissent.

- Je suis pas immortelle, stupide loup, je vais pas survivre six générations ou plus.

- Je te l’ai dit, c’est pour ça qu’on est là.

- Arrête de te comporter comme si je savais tout, j’ai aucune idée de ce qu’il se passe, aucune ! explosa-t-elle en se levant soudainement, envoyant valser sa chaise contre le mur qui menaça alors de s’effondrer mais qui heureusement tint bon. Je sais pas où je suis, ni pourquoi, et tout ce que tu viens de m’apprendre me flippe à mort, alors soit cool, juste pour une fois, merde !

Elle haletait, terrifiée. Oui, terrifiée était le mot juste. Elle avait peur, peur de cet endroit, maintenant, peur de ce qu’elle devait faire, des conséquences que ça aurait, toute sa vision du monde, ces choses qu’elles pensaient vraies, ces choses qu’elles pensaient fables pour enfants, tout se mélangeait maintenant, plus rien n’était vrai, plus rien n’était faux, et elle s’étonnait tellement, tellement de croire à tout ça avec facilité qu’elle se demanda si tout cela n’était pas qu’un rêve. Elle n’avait jamais eu une très grande imagination, mais le cerveau était un organe plein de ressources, peut-être avait-il inventé tout ça et que si elle se pinçait, elle se réveillerait à Hidden Springs, la pluie battant contre les fenêtres, le chat implorant de ses affreux miaulements pour rentrer à l’abri, et l’ennui reviendrait l’envelopper de ses bras agaçants. L’ennui lui manquait.

Mewann ouvrit la bouche pour s’expliquer une nouvelle fois, mais elle n’avait plus envie d’entendre le son de sa voix, elle en avait assez pour aujourd’hui, pour le moment, elle le voulait simplement le plus loin possible d’elle.

Elle claqua la porte tandis qu’elle partait en courant, et le loup n’essaya même pas de la retenir. Il ne pouvait que la comprendre, au fond, beaucoup de révélations venaient de lui être faites, elle ne croyait sans doute pas à tout, et pourtant il lui avait encore beaucoup à apprendre. Sa vie venait de changer, elle se trouvait dans un monde qui n’était pas le sien et il ne connaissait que trop bien ce sentiment dérangeant.

Et il ne pouvait s’empêcher de se sentir mal pour elle. Car il y avait encore tant de choses bien pires qu’elle ignorait encore.

Alors, j'espère sincèrement que je ne vous ai pas perdus en cours de route avec toutes ces informations, et encore, ce n'est qu'une petite partie, donc si vous avez la moindre question, n'hésitez surtout pas.

Le monde que j'ai utilisé est celui de Fratres, un monde steampunk créé par Suum Sim, ce monde est absolument génial et les bâtiments steampunk sont super bien fait, mais mes graphismes n'ont pas voulu coopérer, alors j'ai pris une photo vite fait d'un seul bâtiment...

Bref.

N'oubliez pas, vous pouvez cliquer sur le titre qui vous ammenera vers une musique ~

Sur ce, à très vite pour le prochain chapitre !

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