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Chapitre 3

Brass goggles

Ses pas la conduisirent en dehors de la ville, qu’elle avait voulu éviter. Elle ne connaissait personne ici, et elle ne voulait pas que ses premières apparitions soient celle d’une fille courant comme une dératée les larmes aux yeux. Elle finit par arriver vers une plage au sable noir et entourée de mauvaises herbes, pas le genre de plage paradisiaque où on voudrait faire une sortie entre amis. L’eau reflétait le bleu et le rose pastels du ciel et les minuscules vagues qui se formaient venaient ridiculement mourir sur la grève, qui ne semblait pas connaître de marées.

 

L’étendue d’eau paraissait infinie, il n’y avait pas la moindre trace d’une île à l’horizon, pas la moindre trace d’aucune autre chose. La ville steampunk s’élevait là, au milieu de l’océan. Mewann lui mentait sûrement, ce ne pouvait être un monde, comment un monde pouvait être aussi petit ?

D’un revers de main, elle sécha les quelques larmes qui avait survécu à sa course effrénée. Elle s’attendait à tout moment à ce que le loup se montrât, avec de stupides excuses, ou souhaitant lui apprendre encore plus de choses qu’elle voulait continuer d’ignorer, mais elle était seule et aucun bruit hormis celui du vent et l’eau ne se faisait entendre. Même la ville était silencieuse, si silencieuse qu’elle en vint à se demander si le monde dans lequel elle avait atterri était réellement habité. Elle n’avait croisé personne, elle avait évité la ville, certes, mais l’endroit était petit, des gens se promenaient bien en dehors de la ville, non ?

Elle lança un regard vers le phare qui se tenait sur les rochers, sa lumière éteinte. S’il y avait un phare, c’était pour aider des bateaux, des bateaux qui venaient d’ailleurs, et s’ils venaient d’ailleurs, alors le monde intermédiaire de Maashì ne comportait pas seulement l’île sur laquelle se tenait la ville. Il y avait quelque chose d’étrange dans tout ça, qui lui faisait douter de la véracité des propos de Mewann. Et si tout n’était que mensonges, très bien travaillés cela dit, et qu’il attendait une toute autre chose d’elle qu’il n’osait dire ?

Elle prit ses tempes entre ses mains, enfonça ses ongles dans la chair de son crâne, confuse et bouleversée. Tout ça, tout, absolument tout, c’était trop pour elle, elle avait besoin de dormir, de laisser son esprit se reposer et oublier où elle était.

Mais sur le chemin de la maison, un bruit de foule la mena vers un bâtiment similaire aux autres, près de la plage. Seulement celui-là était éclairé et on pouvait entendre des gens à l’intérieur. La ville n’était pas déserte après tout.

C’était de toute évidence un bar. À travers les fenêtres sales, elle pouvait difficilement voir, mais des dizaines de personnes étaient assises çà et là aux tables ou au bar, une boisson à la main, parlant et riant fort, couvrant presque la musique que jouait un groupe qu’elle ne parvenait pas à distinguer d’où elle était.

Elle décida d’entrer, après tout, elle ne savait pas vraiment combien de temps il lui faudrait rester ici, mais il était absolument hors de question qu’elle n’interagît qu’avec Mewann durant tout ce temps, alors autant faire connaissance avec les autres habitants. Elle n’était pas habituée à parler à de nouvelles personnes, elle qui normalement restait enfermée chez elle, haïssant le monde autour d’elle, mais ce monde-là était à son image, et les gens à l’intérieur l’étaient sûrement aussi.

Et ils l’étaient. Lorsqu’elle poussa la lourde porte du bar, des dizaines de robes victoriennes, de corsets, de vestons, de bottines à lacets, de hauts de forme et de lunettes en laiton s’assaillirent, les femmes portaient dans leurs cheveux des engrenages en forme de rosace, des montres à gousset pendaient d’une de leurs poches, les hommes avaient au cou des cravates démodées ou des nœuds papillons et Aelis ne put empêcher un sourire de déchirer ses lèvres. Elle n’avait jamais vu autant de tenues de ce style de sa vie, et les robes qu’elle avait confectionnées tout au long de sa vie n’étaient rien comparées à celles magnifiques que portaient les autres sorcières, faites de volants et de nombreux jupons, de corsets ornés de boutons à relief et de fine dentelle, elle en venait presque à avoir honte de sa robe, d’une simplicité ennuyante.

- Hey ! Etes-vous confortablement installés ? s’exclama un des trois membres du groupe de musique à travers un mégaphone en ferraille.

Aelis se tourna vers eux tandis que le reste de la salle répondait en hurlant. Elle n’en était pas sûre, mais il lui semblait que l’homme avait parlé dans une autre langue, mais elle l’avait parfaitement compris, alors c’était peu probable. Mais…

- Super ! Je voudrais que vous chantiez la prochaine chanson avec moi, haut et fort ! Même si vous êtes en sous-vêtements, chantez fièrement !

Aucun doute, il ne parlait pas la langue qu’Aelis avait pour habitude d’entendre, et en vérité, tout le monde dans la salle parlait cette langue étrange qu’elle comprenait pourtant. La langue des sorcières qu’elle pouvait donc comprendre, puisqu’elle en était une ? Mais elle ne l’avait jamais apprise, comment pourrait-ce être possible ?

 

Ne sachant vraiment que faire, ni qui aborder et comment, elle s’approcha du bar dans l’intention de commander quelque chose, mais une femme à la chevelure rousse et partiellement rassemblée en un chignon bas l’arrêta.

- Eh, t’es une nouvelle tête toi, je me trompe ?

Sa voix était rauque et grave, à la limite d’être cassée, on aurait dit qu’elle avait une quelconque extinction de voix due à une mauvaise grippe et elle parlait cette même langue étrange. C’était une voix particulière et pas spécialement belle qui allait avec son visage couvert de taches de rousseur. Ses yeux n’étaient ni gris, ni bleu et rien en eux ne les rendait particulièrement jolis, aucune étincelle ou de nuance dans son iris, son nez était étonnamment petit, si bien qu’Aelis se demanda si elle pouvait respirer et sa mâchoire était spécialement marquée, carrée, creusant ses joues, rendant son profil squelettique. Sa bouche, elle, était sans doute la seule chose vraiment jolie de son visage, qui comportait par ailleurs une étrange marque sur le côté droit, allant du haut du front jusqu’à ses pommettes saillantes. Aelis n’arrivait pas à savoir si elle la trouvait belle ou non, ce qui était sûr, c’était qu’elle avait un visage particulier.

- Disons que je viens d’arriver ici, répondit-elle alors après l’avoir observée.

Un sursaut la prit alors. Elle venait de répondre en utilisant des mots qu’elle n’avait jamais utilisés, similaire à cette langue qu’ils parlaient tous, elle avait parlé cette langue inconsciemment, bien qu’elle ne l’eût jamais apprise, c’était indécent… Derrière elle, le groupe avait commencé sa chanson.

 

Come with me I'll show you how to be a metal man
When the gears are turning and the fires are burning
When the world ticks around you,
voices tocking all the time
And you live for sleep you've never slept
because you cannot sleep

 

- Bienvenue parmi nous alors, laisse-moi t’offrir à boire. C’est quoi ton nom ? demanda-t-elle ensuite de son horrible voix.

- Aelis.

- Sympa… j’suis Anabel. Anabel Asarlaì, ajouta-t-elle, le menton haut, fière de ce nom qui ne signifiait rien pour la jeune Vanek. C’est quoi ton nom de famille, déjà ?

- Je ne l’ai pas dit… Vanek.

La bouche de l’autre se tordit en un rictus indéchiffrable, puis elle gloussa d’une façon incontrôlable.

- Ok, très drôle, mais vraiment ?

Aelis fronça les sourcils, perdue. Anabel ne semblait pas la croire pour une raison qui lui échappait. Mewann lui avait dit que les Vanek étaient une grande famille de sorcières, détruite par le massacre, mais de toute évidence, un ou deux avaient survécu, puisqu’elle était là, vivante, avec une famille d’un héritage sans pareil.

- Vanek. Je m’appelle Aelis Vanek.

Cette fois-ci, le visage de la rousse resta fermé, dur, terrifiant, contrastant totalement avec la chanson en fond.

 

One, two, three

La-Da-Da-Da-Da, La-Da-Da-Da-Da, La-Da-Da-Da-Da

La-Da-Da-Da-Da-Da

La-Da-Da-Da-Da, La-Da-Da-Da-Da

La-Da-Da-Da-Da-Da-Da-Da-Da-Da

 

Gênée par son regard insistant, la nouvelle sorcière regarda les musiciens. C’étaient trois hommes, des maas, sans doute, déguisés en robot, d’un maquillage si réaliste et convaincant qu’on pourrait s’y méprendre, mais leurs mouvements, qu’ils essayaient de rendre les plus mécaniques possible, les trahissaient parfois quand par mégarde, un de leurs bras bougeait avec trop de fluidité.

 

- Oh, tu me réponds ? s’énerva l’autre sorcière en lui passant une main énervée devant les yeux.

Aelis revint à la réalité et son regard rencontra celui sans chaleur d’Anabel.

- Pardon ?

- Ton nom.

- Vanek, s’obstina Aelis.

Son interlocutrice ne put empêcher un rire de traverser ses lèvres, et impatiemment, elle se redressa sur sa chaise, agacée.

- Écoute, t’es pas la première à essayer de te faire passer pour une Vanek. Ça marche jamais. Et sérieux, t’as même pas teint tes cheveux.

- Mes cheveux ? s’étonna la jeune Vanek en attrapant une mèche brune de sa chevelure.

- Tu vois ? Tu essayes de te faire passer pour une Vanek sans même savoir leur couleur de cheveux. Au moins les autres avaient fait l’effort de les avoir rouges.

- Ma grand-mère les avait rouges, comme tous avant elle, mais j’ai hérité des cheveux de ma mère.

- Dommage pour toi. T’es passée à pas grand-chose de ressembler à une Vanek. Mais voilà un scoop pour toi, ma belle : la dernière sorcière Vanek est morte il y a bien longtemps, bien avant ta naissance et ils se sont tellement hybridés avec des mortels que jamais une sorcière Vanek ne pourra renaître, jamais.

- Pourtant je suis là ! s’énerva Aelis.

- Rentre chez toi, arrête de me faire perdre mon temps. Et accepte le fait que tu ne fasses pas partie d’une grande famille de sorcières.

- Mais je suis une Vanek !

- Très bien ! Hey, les gars ! hurla-t-elle alors, mais la plupart des gens présents sur place étaient trop concentrés sur la musique pour se retourner vers elle.

 

I want all today
Don't want to hear you say
You can't do this, you can't do that
You're not a living thing with feeling

 

- J’ai ici une nouvelle fille qui prétend être une Vanek ! annonça-t-elle avec sarcasme.

 

À l’entente de ce nom de famille, même les musiciens s’étaient arrêtés soudainement pour se tourner vers Aelis, devenue en une seule seconde le centre de toute l’attention. Le souffle de cette dernière se fit alors plus rapide tandis qu’elle sentait tous les regards sur elle. Etre le centre de l’attention avait toujours  été une chose qu’elle avait évité toute sa vie, mais elle avait énervé Anabel, et elle lui avait rendu la monnaie de sa pièce.

- Laisse-la nous le prouver, Anabel, dit un homme dans la foule qu’Aelis ne put distinguer.

Anabel, peu convaincue, croisa les bras sur sa poitrine et lança un regard suffisant à sa victime, l’incitant à faire preuve de ses soi-disant immenses pouvoirs de Vanek.

- Je… je ne sais pas utiliser mes pouvoirs, avoua-t-elle en bégayant.

Tous ces regards, tous ces gens qui attendaient d’elle qu’elle lance un sort ou quelque chose dans le genre, elle ne pourrait pas tenir longtemps dans cette ambiance qui la rendait mal-à-l’aise. Elle en vint presque à vouloir Mewann à ses côtés pour avoir une présence connue autour d’elle.

- La belle affaire, une Vanek qui ne sait pas manipuler la magie. Et brune. Au moins, elle a le mérite d’être obstinée, commenta Anabel avec condescendance.

Se sachant vaincue, Aelis se fraya un chemin vers la sortie, évitant les regards mauvais de ceux qui la pensaient usurpatrice. Dehors, la lune commençait à s’élever dans la nuit noire et bientôt, la musique reprit à l’intérieur, comme si son altercation avec tout Maashì n’avait jamais eu lieu. Elle passa ses mains sur ses yeux fatigués, épuisée par cette journée qui ne semblait jamais finir. Le moment où le matin-même elle regardait avec ennui la pluie tomber lui semblait être une éternité avant elle. Elle voulait simplement dormir maintenant, mais elle ne pouvait se laisser faire ainsi. Elle était une Vanek, et tôt ou tard, ces gens devraient l’admettre, et le plus tôt était le mieux. Elle ne voulait pas finir par n’avoir que l’« amitié » de Mewann. Et ce dernier allait d’ailleurs l’aider à s’imposer.

- Hey, regardez qui est de retour.

- Ta gueule Mewann…

 

Le loup sourit à l’insulte, comme si se faire insulter était plaisant pour lui. Ce mec était vraiment étrange, elle avait tant envie de le frapper en plein visage pour l’avoir amené dans un endroit habité de telles personnes. Elle n’avait jamais trouvé sa place auprès des mortels, et il semblait bien qu’elle n’arriverait pas à trouver sa place parmi les siens non plus. Son frère lui manquait.

- De toute évidence, t’es pas comme ton frère à qui il suffit d’une balade pour se calmer.

- Mewann, j’ai besoin de ton aide, dit-elle en ignorant la remarque.

Surpris, le jeune homme surjoua sa réaction pour l’agacer, se pointant du doigt en demandant « moi » et Aelis se retint de peu de le frapper. Au fond, elle avait un peu peur de lui. Après tout, il était une bête sauvage, et qui sait comment il pourrait réagir si elle devenait violente. Et si les choses dérapaient, elle n’était de toute évidence pas de taille contre ses crocs et ses griffes.

- Personne ne veut croire que je suis une Vanek, expliqua-t-elle rapidement.

Il s’esclaffa, s’attirant un regard noir.

- Tu m’épates, t’as eu besoin de moins d’une heure pour te mettre tout le monde à dos à un tel point que tu fais appel à moi ?

Son rire devint incontrôlable, et les joues d’Aelis s’enflammèrent de colère. Si elle pouvait contrôler ses pouvoirs, elle mettrait vraiment le feu à ses joues pour venir ensuite embraser le loup et le faire devenir cendres, comme elle l’avait fait avec cette cabane.

- Fais pas cette tête, alors, ils sont où les méchants pas beaux, que grand frère Mewann aille leur taper dessus ?

La seule réponse qu’il récolta fut un grand coup dans les côtes.

Alooooors, plusieurs choses à dire.

Déjà, j'ai changé la plateforme pour les commentaires. L'ancienne supprimait d'elle-même les commentaires après un certains temps, merci plateforme...

Ensuite, Anabel fait enfin son entrée \o/ Sa version sims est beaucoup trop jolie, j'ai toujours tendance à embellir mes sims...

Le groupe de musique présent dans ce chapitre est un clin d'œil à Steam Powered Giraffe, un groupe steampunk dont trois des membres se déguisent en robots, ce qui est assez classe. Pour découvrir leur chanson la plus connue, c'est dans le titre, comme toujours !

Il me semble avoir tout dit, alors sur ce, je vous dis à la prochaine !

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