top of page

Chapitre 4

Aelis eut un mouvement de recul quand Mewann ouvrit la porte du bar. Soudainement, elle n’était plus sûre. Elle n’avait pas spécialement envie de retourner à l’intérieur. Maintenant qu’ils avaient tous vu son visage, ils allaient la reconnaître dès son premier pas dans l’enceinte du bar, et elle redeviendrait le centre de l’attention, et c’était la dernière chose qu’elle désirait. Elle voulait aller se coucher, oublier cette journée, et dormir, et peut-être que le lendemain, elle se réveillerait à Hidden Springs, comme chaque matin.

- Qu’est-ce que tu fais, tu viens ?

 

Mewann s’était retourné alors qu’il avait franchi le pas de la porte et la regardait de ses grands yeux bleu pâle, un sourire rassurant sur les lèvres. Le temps d’un instant, la jeune femme ne le détestait plus, puis elle se souvint de ce qu’il avait fait.

Prenant une longue inspiration, remplissant ses poumons d’air qu’elle recracha bruyamment, elle s’avança, le cœur battant. Quand la porte se referma lourdement, certaines personnes se retournèrent pour voir les nouveaux venus et elle fut vite reconnue, mais la plupart ne lui prêtèrent pas attention. Pour eux, elle n’était qu’une petite menteuse qui essayait de se faire passer pour une grande sorcière alors qu’elle ne maîtrisait pas ses pouvoirs.

- Ok, alors je leur dis quoi ? demanda le loup, qui avait un peu trop tendance à foncer tête baissée sans jamais réfléchir à ce qu’il devait faire ou dire.

- J’en sais rien, mais convainc les ! T’as réussi à me convaincre de te suivre, je compte donc sur tes talents.

Il hocha la tête, un peu désespéré. Combien de temps avait-il avant qu’ils ne remarquent qu’il était un loup ?

- Revoilà notre chère Vanek, annonça Anabel avec ironie. Et son toutou, ajouta-t-elle dans la langue mortelle pour que le loup la comprenne.

- Très drôle, celle-là, commenta le toutou amèrement, contrarié que sa véritable nature ait été immédiatement découverte.

- Je dois avouer que tu sais te faire remarquer. Te faire passer pour une Vanek puis ramener un loup.

 

Ce dernier mot, comme le nom Vanek, amena tous les regards vers eux et Aelis n’était pas sûre de vouloir comprendre pourquoi. Ce qu’elle aurait voulu comprendre en revanche, c’était pourquoi la sorcière avait commencé à parler la langue mortelle. Mewann lui avait expliqué que la langue qu’elle avait parlé auparavant était celle des créatures, une langue innée que toute créature connaissait.

- Mewann, c’est quoi ce délire avec les loups ?

- Eh bien… Il se peut que mon espèce ne soit pas vraiment appréciée… avoua-t-il d’une petite voix.

- Pardon ?

- Tu es bien ignorante pour une Vanek, commenta Anabel. Les loups ont vécu dans le monde mortel – notre monde – pendant des centaines d’années, se sont mélangés à nous, mais quand le massacre arriva, ils fuirent dans leur monde, lâches qu’ils étaient.

Un sourire déchira le visage de Mewann qui ne put s’empêcher de glousser.

- Je ne suis pas sûr de la portée de ces accusations alors que Maashì est remplie de sorcières et de maas qui ont fui le massacre.

Cette remarque fut loin de leur faire des amis. Au contraire, des dizaines de regards noirs étaient dardés sur eux, la « fausse » Vanek et le loup. Déjà, certains s’énervaient, furieux de cette accusation qu’ils clamaient être fausse.

- Personne n’a fui, les créatures restées dans le monde mortel ont besoin de nous et notre magie, nous avons protégé l’espoir, protesta un maa aux lunettes si épaisses que ses yeux paraissaient aussi gros que son visage, pourtant émacié.

- Votre magie n’est en aucun cas puissante, jamais vous n’avez été l’espoir des autres créatures, surtout pas dans un monde où le temps s’écoule plus lentement.

Aelis releva la tête, peu sûre de comprendre. Le temps ne s’écoulait pas pareil ici ? Était-ce ce qu’avait voulu dire Mewann quand il disait qu’ils attendraient ici la naissance de plusieurs muses ?

- Et vous m’accusez d’avoir fui le massacre pour rejoindre mon monde. Je vois difficilement comment j’aurais pu y parvenir, étant donné que je n’étais pas né. Ceci étant clair, pourrions-nous passer au sujet qui nous intéresse ?

- À propos de votre départ de Maashì ? railla Anabel de cette voix si dure à l’oreille.

- Le sujet contraire, en vérité.

Mewann n’était pas prêt de laisser Anabel avoir ce qu’elle désirait et comptait bien répondre à sa moindre remarque désobligeante. Il ne laisserait pas Aelis subir l’humiliation de ne pas être crue quant à son nom.

- Il est hors de question qu’un loup et une pauvre petite sorcière se faisant passer pour une Vanek restent ici.

- Et qui es-tu pour décider de ça ? demanda Mewann avec une sincérité déconcertante. Les mondes intermédiaires n’appartiennent à personne et tout le monde peut venir y vivre comme bon lui semble. N’est-ce pas ? Même les loups.

- Vous avez votre propre monde, retournes-y.

- Impossible, hélas. Je crains bien avoir été banni de mon monde.

- Banni ?! s’étrangla Anabel, et sa voix étranglée était la pire de toutes.

Banni ? se demanda Aelis dans sa tête. Alors c’était pour ça qu’il se trouvait ici avec elle et pas dans son monde ? Était-ce à cause du déséquilibre qu’il l’avait été ?

- Il est hors de question qu’un loup banni reste ici ! explosa la sorcière rousse. Tu vas tous nous tuer, comme les autres bannis ! Votre système ne fonctionne jamais. Peut-être… ajouta-t-elle, pensive. Peut-être qu’on devrait te tuer immédiatement.

Elle fit un pas en avant, menaçante, et Mewann choisit de se transformer à ce moment-là. Son grognement emplit la pièce, agressif, sinistre, et Anabel recula, sous le choc. Plusieurs sorcières et maas quittèrent les lieux, effrayés, tandis que d’autres s’étaient reculés dans les coins de la pièce, ou d’autres encore avaient brandi autour d’eux des sortes de boucliers magnétiques, se protégeant de la fureur du loup.

Puis Mewann reprit sa forme humaine, épousseta ses vêtements recouverts de poils roux, et, comme si de rien était, reprit :

- Bien. Qui a besoin d’explications ?

 

Aelis aurait bien été la première à lever la main, si la question du loup n’avait pas été ironique. Elle avait terriblement besoin d’explications, elle était perdue entre toutes les informations qu’on avait pu lui donner aujourd’hui, et la fatigue qui s’accumulait l’assommait, elle ne parvenait plus à penser clairement.

- Les loups bannis ne peuvent pas se transformer… souffla Anabel, perdue elle aussi. Ni se souvenir de leur vie antérieure…

- Un bon point pour toi, bravo ! s’exclama avec sarcasme Mewann.

- Alors tu as menti, tu n’es pas banni… souleva une sorcière aux cheveux jaunes.

La voix de cette dernière était si douce qu’elle berçait Aelis. Elle en avait assez d’entendre celle d’Anabel.

- Croyez-moi, si je n’étais pas banni, je ne serais pas ici, entouré d’imbéciles comme vous. Qui parmi vous a déjà entendu parler du déséquilibre ?

La plupart des gens présents dans la pièce se regardèrent, confus. Mais certains autres, une grande minorité d’entre eux, paraissaient choqués et se murmuraient à eux-mêmes que c’était impossible. Anabel, elle, restait de marbre. Impossible de déterminer si elle savait ce que signifiait le déséquilibre.

- Comment un loup comme toi pourrait savoir la moindre chose sur le déséquilibre ? accusa le maa aux lunettes énormes.

- Car il concerne tous les mondes, même le mien. Les sorcières et les maas ne sont pas les seuls à être au courant. Au contraire, la plupart d’entre eux n’en savent rien.

Il désigna le reste de la pièce d’un doigt amusé, pointant ceux qui cherchaient vainement une réponse là où il n’y en avait pas. Aelis, elle, contrairement à eux, savait ce qu’était le déséquilibre. Tout du moins, elle en connaissait les grandes lignes. D’après ce dont elle se souvenait, c’était quand l’équilibre des mondes était détruit parce qu’un Élément se retrouvait lui-même détruit, ou quelque chose dans le genre. Ce qu’elle savait, c’était que ce n’était pas une très bonne situation, et que seul le pouvoir des neuf muses pouvait y mettre fin.

Anabel continuait de ne rien laisser paraître. Impossible de savoir. Mais Aelis état convaincue qu’elle n’en avait jamais entendu parler et qu’elle n’osait pas le hurler haut et fort. Mewann l’avait enfin fait taire, et la jeune Vanek aurait pu l’embrasser pour ça. Cependant, elle resta immobile, attendant la suite des évènements en se retenant de bailler. Elle avait terriblement besoin de sommeil.

- Aucun parmi vous n’est capable de rétablir l’équilibre ! Seule une Vanek le pourrait, car ses pouvoirs seraient assez puissant. Une Vanek comme Aelis ici présente.

 

Aelis revint sur le devant de la scène. Les regards quittèrent le loup pour se porter sur elle, et elle aurait voulu disparaître, s’enfonçait soudainement dans le sol à ce moment-là, pour ne plus avoir à supporter ça.

- Cette fille n’est pas une Vanek. Je ne ressens pas de grands pouvoirs, rétorqua une nouvelle Anabel, sûre d’elle.

- Car vous les sorcières avez un très mauvais odorat. Crois-tu vraiment que j’aurais passé des années à la traquer, à me rapprocher d’elle si elle n’avait pas été une Vanek capable de rétablir l’équilibre et me permette de rejoindre mon monde ?

Le souffle manqua à la jeune femme. Mewann ne lui avait jamais parlé de ça, même quand il lui avait expliqué les faits quelques heures auparavant. Voilà donc pourquoi il était là, et pourquoi il s’intéressait autant à elle. Mais alors pourquoi avait-il été si horrible avec elle durant tout ce temps, s’il ne voulait que son aide ? Pourquoi avait-il fait l’exact contraire de ce qu’il aurait dû faire ?

- Qui dans cette pièce est autre qu’une sorcière ou un maa ? Ces choses sont incapables de sentir correctement, se permit de railler le loup. Il adorait de payer leurs têtes, à tous, ils le méritaient tellement.

Quelqu’un fendit la foule rassemblée au centre de la pièce autour des deux étrangers qui amenaient beaucoup de problèmes. C’était un jeune homme qui aurait pu paraître normal aux premiers abords, si ce n’étaient ses oreilles de renard blanches et poilues qui s’élevaient au-dessus de son crâne. En regardant mieux, Aelis remarqua également une queue touffue qui battait l’air derrière lui. Elle n’en croyait pas ses yeux.

- Pùca ? demanda Mewann pour confirmer ce qu’il pensait.

La créature hocha la tête gravement, conscient du sérieux de la situation. Tous avaient leurs regards dardés sur lui, attendant qu’il s’exprime.

- Cette fille…

Il désigna Aelis d’un doigt dont l’ongle était remplacé par une griffe.

- C’est une sorcière, ça c’est sûr. Mais elle a une odeur différente. Je… je ne sais pas vraiment ce que c’est, mais elle sent la puissance.

- Elle sent le sang des Vanek. Vous savez tous qu’il est différent de celui des autres sorcières ! ajouta Mewann, en espérant ainsi clore le débat, mais le maa aux grosses lunettes n’en avait pas assez vu.

- Les Vanek ne sont pas différentes d’une autre, c’est ce qu’elles ont toujours dit pour être supérieures !

Agacé par cet homme, Mewann s’approcha, sauvage, les lèvres retroussées, laissant paraître ses crocs acérés. Personne n’osa bouger. Certains parce qu’ils n’aimaient pas cet homme non plus, d’autres parce qu’ils savaient parfaitement que les Vanek n’étaient pas des sorcières comme les autres, d’autres encore parce qu’ils n’osaient pas défier un loup. Ce dernier avait malheureusement raison. Leurs pouvoirs étaient bien faibles, ils ne pouvaient pas en faire grand-chose.

Grognant, Mewann s’arrêta à quelques centimètres du visage du maa, qui suait à grosses gouttes, apeuré par les crocs. Il savait que Mewann pouvait se transformer, et rien n’était plus dangereux qu’un loup dans sa forme animale.

- Écoute-moi bien. Tous ici savent parfaitement que les Vanek ne sont pas ordinaires, alors tu la fermes, compris ? Ou je plante mes crocs dans ta jolie petite jugulaire.

Il se recula, pour rejoindre Aelis au centre de l’attention, laissant le maa respirer enfin. Ce dernier était pantelant, mais essayait de ne pas le laisser paraître. Il resserra sa cravate nerveusement, et plus jamais on n’entendit le son de sa voix ce soir-là.

- Bien… Est-ce que tous ici pourraient prendre en considération ce que notre ami pùca a dit et conclure que mon amie ici présente est une Vanek ? Merci, bonne nuit.

Puis, saoulé de cette conversation qui tournait mal depuis le début et qui n’allait nulle part sinon droit dans le mur, il s’empara du bras de la jeune Vanek et l’entraîna dehors. Elle se laissa porter, bien contente de quitter ce bar bondé. L’air dehors était frais, il lui semblait enfin respirer de nouveau, être capable de se mouvoir correctement à nouveau. C’était plaisant.

- Bon, merci de m’avoir emmené ici, j’adore m’énerver ! railla Mewann.

Elle ne répondit pas à sa remarque, trop fatiguée. Elle ne pensait qu’à une seule chose : un lit.

- Merci… souffla-t-elle, à bout de force, épuisée par une journée trop forte en émotions et révélations.

- Hé hé, tombe pas, viens.

 

Doucement, il passa un bras dans son dos et l’aida à marcher jusqu’à leur maison provisoire. Il la guida jusqu’à sa chambre, lui défit ses bottines, et lorsqu’il la déposa sur le lit, elle s’y endormit aussitôt.

Bien le bonjour les gens ! Tout d'abord, désolée pour cette attente, mais je m'explique : mon ancien ordi était vraiment très très lent, je mettais plus de cinq heures pour faire 4 à 5 photos (environ un chapitre), et m'arracher les cheveux devant une telle lenteur pour le chapitre des muses hebdomadaire me suffisait amplement. Mais c'est fini ! Mon nouvel ordi est un bête de course, en cinq heures, j'ai fait trois à quatre fois plus que d'habitude !

Bref, j'espère que ce chapitre vous a tout de même plus, et toujours, si vous avez des questions, qu'il y a quelque chose que vous ne comprenez pas, n'hésitez pas, les commentaires sont là, je réponds !

Allez, tschüss !

Commentaires
bottom of page