top of page

Chapitre 8

Chasing home

Tapotant régulièrement la table de ses doigts, Anabel attendait le retour du loup. Le café devant elle était beaucoup trop chaud pour qu’elle y trempe les lèvres. A l’étage, elle pouvait sentir la présence d’Aelis. Le loup avait eu raison, le premier jour. Il y avait une puissance anormale qui se dégageait de la Vanek. Normalement, Anabel ne pouvait sentir la présence d’une autre sorcière. Elle n’avait pas les sens pour, et les sorcières ne dégageaient pas assez.

 

- Elle refuse de sortir de sa chambre, annonça Mewann en s’asseyant en face de la sorcière.

- Force la. Tu es un loup, tu devrais avoir la force nécessaire pour ouvrir une porte, non ? fit-elle remarquer d’un ton cinglant, en bloquant sur le mot « porte ».

La langue mortelle ne lui était pas vraiment familière. Si maintenant toutes les créatures savaient parler le khalyska parce qu’on leur apprenait, pour qu’ils puissent être intégrés au monde des mortels, cette pratique ne s’était que peu faite durant l’époque post-massacre dans laquelle Anabel avait grandi. A son époque, les créatures qui avait refusé de s’intégrer et avait décidé de vivre cachés des mortels exécraient tout ce qui venait d’eux, et c’était le cas de la famille de pures sorcières dont venait Anabel. Alors on ne lui avait appris aucun mot mortel. Elle avait tout appris à son arrivée à Maashì.

- Non. Je ne me permettrais pas de faire ça.

- Tu n’es pas très téméraire, pour un loup.

Sans doute parce qu’il avait peu à peu perdu son instinct. Il avait vécu comme un mortel pendant de si nombreuses années qu’il en avait oublié comment se comporter dans sa véritable nature.

Une cage, incapable d’en sortir.

- Bon, on fait quoi ?

Le loup sursauta, arraché à ses pensées. Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, prêt à s’avouer vaincu. Il ne savait que faire avec Aelis. Elle avait le don d’être beaucoup trop bornée.

- J’en sais rien, Anabel, juste rien. Elle refuse de m’écouter. Et elle refusera de t’écouter. Elle refusera d’écouter n’importe qui, tant qu’elle n’aura pas vu son frère.

 

La sorcière fit la moue, les lèvres pincées. Elle avait déjà dit ce qu’elle pensait de cette solution : elle ne l’aimait pas. Le frère d’Aelis ne devait pas la voir. Sa famille ne devait plus jamais la revoir. La penser morte était la meilleure chose pour eux, ils ne pouvaient connaître la vérité. On ne pouvait faire confiance aux mortels. Plus depuis le massacre. Et la rousse serait la première à s’assurer que les mortels ne sachent rien.

- Il faut lui donner ce qu’elle veut, conclut-il. C’est le seul moyen.

Il connaissait un peu Aelis, il savait qu’elle était capable de rester bien plus longtemps que trois mois enfermée dans sa chambre. Ça ne faisait pas peur à la Vanek, si c’était pour aller au bout de ses idées. Et le loup ne pouvait l’accepter. Il n’avait pas envie de la voir dépérir plus longtemps. Il voulait se racheter, faire quelque chose pour elle.

- Elle ne doit pas voir son frère ! prévint Anabel d’un ton menaçant qui fit afficher sur le visage de Mewann une grimace.

- On n’a pas vraiment d’autre choix. Laisse-moi gérer. Attends-moi ici, je serai de retour très vite.

Anabel n’eut donc pas d’autre choix que d’attendre. Tandis que Mewann montait à l’étage pour emmener Aelis dans le monde mortel, elle avala deux gorgées de son café et recommença à tapoter la table de ses doigts.

Quelques courtes minutes plus tard, le loup était de retour, avec une Aelis en pleurs.

 

Mewann l’avait emmenée à Hidden Springs, à défaut de pouvoir l’amener à Monte Vista, n’y étant jamais allé. Avec un peu de chance, Ludovic passant beaucoup de temps dans sa ville natale, il y serait. Ils apparurent cachés entre les arbres qui se trouvaient derrière chez elle, là où Mewann avait passé de nombreuses journées à observer la jeune Vanek et sa puissance qui serait un jour capable de la ramener chez lui. Le cœur d’Aelis rata un battement quand elle réalisa qu’elle était bel et bien chez elle. C’était sa ville, elle pouvait entendre les minuscules vagues qui se formaient sur le célèbre lac d’Hidden Springs, elle pouvait sentir l’odeur des pins véhiculée par le faible vent constamment présent. Et devant elle, sa maison. Ludovic n’y habitait plus, mais elle espérait sincèrement qu’il s’y trouvât. Elle avait terriblement besoin de le voir. Et lui aussi, sans doute. Elle était partie trois mois, et ici, ici, qui sait combien de temps ça avait fait.

 

- Attends, la retint Mewann quand elle s’élança sans réfléchir vers chez elle.

- Quoi ? attaqua-t-elle immédiatement.

Elle avait la possibilité de revoir sa famille, elle ne risquait pas de s’en faire priver par Mewann. Surtout pas.

- Ils te croient morte, lui annonça-t-il abruptement. Je ne te laisserai pas leur parler, ni même les laisser te voir.

Elle baissa la tête, dépitée. Elle s’en était doutée. Elle n’avait même plus la force de lutter. Dans le fond, elle s’était faite à cette idée, depuis le temps. Jamais elle ne reverrait sa famille, jamais elle ne leur reparlerait. La discussion qu’elle avait eu avec Ludovic au téléphone serait la dernière.

Elle adressa un regard abattu à sa maison, observant avec attention les fenêtres, espérant vainement apercevoir quelqu’un de sa famille, mais rien. Personne.

- Je suis désolé, Ae… souffla Mewann à ses côtés. Mais c’est le seul endroit où je peux t’amener. Les chances que Ludovic y soit sont minimes.

- Est-ce qu’on peut attendre un peu ? implora-t-elle, les yeux remplis de larmes.

Il acquiesça d’un hochement de tête. C’est ainsi qu’ils attendirent trois heures, tandis que le soleil se couchait à l’horizon du lac plat, mais dans la maison ne circulaient que Sasha et son mari Gaël, qui ne se doutaient pas une seconde que leur fille fût vivante et en train de les observer, cachée dans le jardin. Ils semblaient tellement vieux et fatigués que le cœur de la sorcière se serra. Combien de temps s’était écoulé ici ?

 

Quand ils rentrèrent à Maashì, où à peine plus d’une minute s’était écoulée, les larmes qu’avaient retenu Aelis s’étaient toutes échappées.

 

La part du contrat remplie, Aelis ayant admis que voir son frère serait une chose difficile car les probabilités étaient trop faibles, il fut alors convenu qu’Anabel lui apprenne à se servir de ses pouvoirs, avec la promesse qu’un jour, elle lui enseigne le voyage entre les mondes. A ce moment-là, elle serait alors capable d’aller voir son frère, si elle promettait de ne pas aller le confronter. Il était important qu’il la croie morte.

Elle promit.

Chaque semaine alors, pendant de nombreux mois, elle retrouvait la sorcière à l’horrible voix chez cette dernière et apprenait à prendre conscience de la puissance en elle, à lui faire appel, à l’extérioriser, à la contrôler. Le reste de la semaine, Aelis évitait au maximum le loup et s’entraînait dur, seule dans sa chambre. Ça lui évitait de trop penser à sa famille et à tout ce qu’elle avait quitté. Il lui fallut énormément de temps avant de pouvoir faire appel à ses pouvoirs sans avoir à se concentrer pendant plusieurs minutes ou sans être en colère ou avoir peur. Tellement de temps que souvent, Anabel se demandait si oui ou non cette fille était réellement une Vanek, avant de se souvenir de la flamme apparue ce jour-là chez elle. Oui, cette fille était une Vanek. Seule une Vanek pouvait avoir un tel contrôle sur la magie du monde.

Quand enfin elle sut faire appel rapidement à ses pouvoirs, elle apprit vite. Bientôt, elle arriva au même niveau de magie qu’Anabel, et cette dernière se retrouva alors quelque peu déconcertée. Elle n’avait pas les moyens d’enseigner à une sorcière aussi puissante qu’une sorcière Vanek. Cette dernière était en possession de pouvoirs qu’elle n’avait pas, elle devrait apprendre seule, à partir de là.

 

- Ok, ce sera tout pour aujourd’hui, lança Anabel en se dirigeant vers sa cuisine pour se préparer du café, comme à chaque fin de séance. Ce sera peut-être tout pour toujours, ajouta-t-elle.

- Je suis loin de savoir utiliser mes pouvoirs, fit remarquer Aelis. Ce que je fais est… médiocre.

- Absolument pas. Je n’ai toujours pas compris ce que tu t’imaginais des pouvoirs que pouvait avoir une sorcière, mais ce que tu fais, peu d’entre nous peuvent le faire.

La Vanek avait toujours une image très mortelle des sorcières. Elle avait grandi avec des histoires et des films sur elles et leurs pendants masculins, où tous pouvaient faire de véritables miracles avec leurs pouvoirs. Elle et Anabel semblaient être des débutantes comparées à ces figures culturelles. La sorcière rousse avait expliqué à la Vanek que les sorcières n’avaient que peu de pouvoirs. Elles pouvaient manipuler très faiblement les éléments déjà présents et pour les plus puissantes d’entre elles, elles pouvaient guérir certaines blessures superficielles. Ce qui était, pour Aelis, loin d’être impressionnant. Et apparemment, les maas étaient encore moins puissants que ça. Autant dire qu’ils ne pouvaient presque rien faire.

- Tu n’es jamais vraiment retournée en ville depuis ton premier jour, non ? demanda sa professeure.

Elle secoua la tête. Mais elle ne le souhaitait pas. Si Anabel s’était révélée être assez supportable, malgré sa voix qui ne l’était toujours pas, même presque un an après, elle doutait que les autres le soient eux aussi.

- Il est temps que tu te sociabilises un peu, maintenant que tu ne vas plus rien avoir à faire !

- Tu dois toujours m’apprendre à voyager entre les mondes, lui rappela Aelis.

- Et je le ferai. Ce sera notre dernière séance. Après, je t’aurais enseigné tout ce que j’avais à t’apprendre. Tu es trop puissante pour moi pour que je puisse continuer. Maintenant, viens, je t’emmène au bar !

Et c’était ainsi qu’Aelis partit de sociabiliser pour la première fois depuis presque un an.

Et voilà, enfin un chapitre, qui devait sortir la semaine dernière, mais j'ai zappé, voilà, bravo moi.

Pour vous situer un peu, maintenant, avec l'ellipse, l'histoire chez Aelis se passe à peu près au même moment que la G5 des muses (après, c'est relatif, le temps passe vraiment plus vite chez Aelis, donc ça change vite).

Commentaires
bottom of page