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Chapitre 5

The truth

Elle avait dormi plus de treize heures d’affilées, sans jamais se lever, ni même se réveiller le temps de quelques secondes. Ses yeux étaient restés fermés pendant treize longues heures qui firent à son corps un bien fou. Lorsqu’elle se réveilla enfin, le soleil était déjà haut dans le ciel, il avait dépassé son zénith, et il lui fallut du temps avant de réaliser pourquoi la chambre dans laquelle elle se trouvait ne ressemblait pas à celle dont elle avait l’habitude. Elle n’était plus chez elle, mais dans un autre monde steampunk rempli de sorcières et de maas pleins d’animosité.

 

Elle avait dormi si longtemps qu’il lui avait semblé rêver les évènements de la veille, mais cet environnement différent lui assura du contraire. Elle n’avait rien rêvé du tout. Elle était véritablement une sorcière, descendante d’une puissante lignée, qui avait su faire renaître le gène par un moyen inconnu ; Mewann était bel et bien un loup qui prenait la forme d’un homme, ou d’un homme qui prenait la forme d’un loup, qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire, le fait était qu’il pouvait se transformer en loup. Elle avait vraiment été arrachée à sa vie, à sa famille, à sa ville, à son propre monde, même. Car il y en avait d’autres, des mondes remplis de loups, d’autres remplis de sorcières comme elle, et combien d’autres encore, elle avait tant de choses à découvrir encore.

Elle se retint de pleurer de peu. Elle avait tant espéré que tout ceci ne fût qu’un rêve, que son subconscient fût soudainement pris d’une imagination qu’elle n’avait pas. Elle aurait dû s’en douter. Elle n’aurait jamais été capable d’inventer tout ça.

Elle ne se souvenait plus vraiment des derniers évènements de la veille. Elle avait été si éreintée qu’elle était revenue du bar en dormant debout, sans douter aidée par Mewann. D’ailleurs, elle devait lui parler. Mettre certaines choses au clair. Il était évident qu’il ne lui avait pas tout dit, après tout, c’était elle qui l’avait coupé la veille en s’enfuyant dans la ville, incapable d’en entendre plus. Aujourd’hui, elle était prête, enfin, pas vraiment, mais elle devait se forcer à l’être. Certaines choses dites la veille au bar avaient piqué sa curiosité mais dans le feu de l’action, elle n’avait pu faire plus que de les graver dans sa mémoire pour poser des questions plus tard. Sur le temps qui apparemment ne s’écoulait pas de la même manière, sur la véritable raison pour laquelle Mewann était là. Elle devait le confronter, le plus tôt possible.

Elle le trouva dans la salle à manger dans laquelle ils avaient discuté la veille. Parfait, ce serait ici qu’ils discuteraient une nouvelle fois.

- Hey, la belle au bois dormant se réveille.

- Comment tu connais la belle au bois dormant ? Vous avez ça chez les loups aussi ?

- De bonne humeur de bon matin, à ce que je vois. J’ai eu le temps de m’imprégner de la culture mortelle, répondit-il à la question, avant d’ajouter : Tu veux du café ?

- Je déteste ça.

Elle mourait d’envie de boire un chocolat glacé, mais elle n’avait pas le temps de s’en faire un, même si son ventre criait famine. Elle voulait ses réponses, le plus tôt possible.

Elle s’installa en face de lui et le fixa. Il ne détourna pas du regard. Si elle voulait jouer à ce jeu, elle perdrait.

 

- Des questions précises, ou je me lance ?

- Pourquoi est-ce que tu es là, et pas dans ton monde ?

- Tu n’as pas écouté hier soir ? J’ai été banni, répondit-il, irrité ; il détestait parler de ça.

- Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as fait ?

S’il avait été banni de son propre monde, c’était sans aucune doute parce qu’il avait fait quelque chose de grave, non ?

- Rien, absolument rien, c’est à cause du déséquilibre. Tout a été chamboulé. Des loups se sont retrouvés bannis sans raison. J’en fais partie. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé dans le monde mortel, sans la possibilité de faire demi-tour.

Mais ce n’avait pas été un bannissement normal. Un loup banni se retrouvait dans le corps d’un nouveau-né mortel, prenait sa place, sans souvenirs de sa vie précédente et une incapacité à se transformer en loup. Pour Mewann, c’était tout le contraire. Il s’était retrouvé dans sa forme mortelle, jeune adolescent, son corps ayant gardé les traces de son passé dont il se souvenait parfaitement. Et il pouvait toujours se transformer en loup. La seule chose qui faisait que c’était un bannissement était qu’il ne pouvait pas retourner dans le monde lupin.

- La seule façon pour moi de rentrer dans mon monde est de rétablir l’équilibre. C’est pourquoi je t’ai toujours cherchée.

- Et c’est pour ça aussi que tu as toujours été une ordure à mon encontre ? Si tu avais besoin de moi, pourquoi aurais-tu passé ton temps à m’humilier, à détruire ma confiance en moi et l’image que les gens avaient de moi ? s’empourpra-t-elle, agacée rien qu’à l’idée de repenser à tout ce que Mewann avait pu lui faire subir.

Ce dernier sourit, doucement d’abord, avant de laisser s’échapper un petit rire entre ses lèvres pincées. Aelis fronça les sourcils, un rictus déformant ses lèvres, pas amusée du tout. Il n’y avait pas de quoi rire.

- C’est comme ça que ça marche chez les loups ? Faut être un salaud pour se faire aimer de quelqu’un ?

- Presque, répondit-il un sourire indéchiffrable sur son visage, le souvenir d’un loup amoureux d’une louve horrible en tête. Mais je ne voulais pas être comme ça avec toi, crois-moi. J’ai essayé, Aelis, mais je suis sûr que tu ne t’en souviens même pas.

- De quoi ? Toi sympa avec moi ? C’est jamais arrivé.

- Tu rigoles, j’espère ? Plusieurs fois j’ai essayé de venir te parler, gentiment, de devenir ton ami, mais jamais tu ne m’as prêté attention, en bonne asociale que tu es. Tu m’évitais, alors la seule solution que j’ai trouvée pour que tu me remarques étais de faire ce que j’ai fait. J’ai été une ordure, mais au moins tu savais qui j’étais. Et tu n’avais plus aucune attache, plus personne à aimer, sinon ç’aurait été dur de t’arracher à tout ça pour t’emmener ici.

Le coup partit. Elle n’essaya même pas de s’en empêcher. Il n’essaya même pas de l’arrêter. Son bras s’étira au-dessus de la table, finit en poing, qui vint rencontrer la mâchoire du loup, d’une force si infime que ce dernier ne sentit presque rien. Elle n’en avait rien à faire, ça lui avait tout de même fait du bien. Et il avait compris ce que ce geste signifiait. Et il savait qu’il le méritait.

 

- Tu m’as humiliée pour que personne ne soit mon ami pour que ce soit plus facile que je vienne ici, c’est ça ?

- Aelis… souffla-t-il.

- Dis-le.

- Oui, c’est exactement ça, mais avoue tout de même que sans moi, tu n’aurais pas eu plus d’ami, tu as toujours rejeté tout le monde sauf ton frère.

- Peut-être, mais au moins on me laissait tranquille ! explosa-t-elle.

Elle n’avait rien à faire d’avoir des amis, elle avait simplement voulu être seule, sans que personne ne se souciât d’elle et son style particulier si cher à sa nature de sorcière. Mais avec Mewann qui n’avait cessé de la mener sur le devant de la scène, de se moquer d’elle devant tous les autres, les incitant à faire de même, elle n’avait plus eu de repos. Mais du coup, il avait eu ce qu’il voulait. Elle détestait tellement le monde et les autres maintenant que tout ça n’allait pas lui manquer. Si seulement il n’y avait pas eu son frère.

- Aelis, je suis vraiment désolé. Je ne cherche pas ton pardon, j’ai fait une erreur en faisant ça, mais j’étais si heureux de t’avoir trouvée, enfin, une Vanek avec des pouvoirs, au bon moment, j’avais de nouveau un espoir auquel m’accrocher, pour que tu me rejette d’un mouvement de main. Je pouvais pas le supporter. Que tu m’apprécies ou non, je devais me faire connaître de toi. Te hanter, pour que tu te souviennes de moi. Je suis désolé.

Elle n’accepta, ni ne refusa ses excuses. Elle resta silencieuse, à observer ses ongles dont le vernis commençait à s’écailler.

- Le temps ne s’écoule pas de la même façon ici, c’est ça ? posa-t-elle sa deuxième question comme si rien ne s’était passé auparavant.

Le loup releva la tête, légèrement surpris de cette question soudaine. Puis il prit la parole.

 

- Non, en effet. J’allais t’en parler hier, avant que tu ne partes en courant. Dans aucun des mondes le temps ne s’écoule de la même façon. On prend toujours comme échelle le monde mortel. Dans certains, il s’écoule plus vite, dans d’autres moins. Dans le monde lupin, il s’écoule beaucoup moins vite, pareil dans plusieurs autres mondes majeurs, mais je ne vais pas t’embrouiller. Ici, le temps s’écoule relativement lentement. C’est pour ça que tu parviendras à survivre à six générations ou plus du monde mortel. D’après mes calculs, on devra rester ici que quatre ou cinq années…

Aelis commençait lentement et avec horreur à comprendre. Dans quatre ou cinq ans, six générations ou plus auront vécu dans le monde d’où elle venait. Dans quatre ou cinq ans, tout ce qu’elle aura connu aura disparu, et Ludovic ne ferait pas exception.

Elle amena sa main à sa bouche pour couvrir le bruit d’un sanglot, qu’elle tenta de ravaler, en vain. Les larmes s’échappèrent de ses yeux en une rivière de perles salées qui dévala l’aval de ses joues sans retenu.

Mewann avait plus ou moins redouté le moment où il devrait lui dire. Elle survivrait à tout le monde qu’elle connaissait. À ses parents, à ses frères. Elle ne les reverrait jamais. Ils allaient tous vieillir pendant qu’elle resterait la même, mourir tandis qu’il lui resterait des dizaines d’années à vivre.

- Ramène-moi chez moi, Mewann, supplia-t-elle entre deux sanglots.

- Impossible.

- Laisse-moi vivre ma vie, peut-être que si j’ai une fille, un jour, elle sera une sorcière, peut-être qu’il existera une autre Vanek avec des pouvoirs, Mewann…

Sa voix était étranglée, elle le suppliait, cherchait une solution qui n’existait pas. C’était trop risqué de la laisser vivre sa vie, en espérant qu’elle ait une fille un jour, ou qu’une autre Vanek naisse d’une façon ou d’une autre, et soit elle aussi une sorcière. Aelis existait, et elle était puissante. Il ne fallait pas la laisser passer. Ils avaient déjà tous eux assez de chance que Mewann la trouve.

- Je suis désolé, s’excusa-t-il une nouvelle fois.

Contre toute attente, elle le remercia, pour ses réponses, et elle quitta la pièce. Quatre ou cinq ans. Quatre ou cinq ans qui changeraient absolument tout. Pour elle, comme pour lui. Dans quatre ou cinq ans, il retrouverait enfin son monde, même s’il n’y avait plus rien pour lui, là-bas.

De nouvelles révélations dans ce chapitre ! Presque tout a été révélé quant au déséquilibre, le pourquoi du comment Mewann et Aelis sont à Maashì et le comportement de Mewann. Il me semble (je connais plus mon scénar, avec ça on va aller loin...)

Avez-vous remarqué la petite référence à Kelly et Amarok ? c:

Cette fois-ci, j'ai réussi à avoir le rythme que je souhaitais pour cette histoire, c'est-à-dire un chapitre par mois. Donc désormais, les chapitres devraient sortir à cette fréquence.

Tschüss

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